1. Il faut distinguer en général langue et langage Nous réserverons le terme de langue pour la communication entres êtres humains. Une langue est issue d'un consensus social, elle vit, elle évolue en permanence. Elle peut être orale ou écrite. Une langue sert à communiquer des idées, des émotions, des ordres, des informations techniques, des blagues... Une langue est souvent très riche car elle dispose de nombreuses phrases pour exprimer la même chose. Sans inventeur ni créateur, la plupart des langues sont vieilles de plusieurs centaines voire plusieurs milliers d'années. Une langue permet l'imprécision (volontaire ou non), le flou, l'ambiguité, les interprétations multiples.
Par exemple à l'écrit la phrase
la belle ferme le voile.
peut être interprétée notamment comme
la belle (nom, sujet) ferme (verbe fermer) le voile (nom, complément). et comme
la belle (adjectif) ferme (nom, sujet) le voile (verber voiler). A l'oral aussi, lorsqu'on entend
que l'on peut transcrire phonétiquement par
cela peut se comprendre comme j'étouffais ou comme j'ai tout fait.
Plus finement, les mots peuvent aussi induire des glissements de sens, faire référence à des interprétations cachées. Ainsi un enfant "trop sage" qu'on ne remarque pas peut être qualifié de "transparent", mot qui peut être découpé en "trans-parent" pour révéler éventuellement qu'il oscille entre l'amour pour son père et l'amour pour sa mère. Il y a aussi le fameux mafam mafam : Ma femme, ma femme ! ou ma femme m'affame...
Contrairement à une langue, un langage est en général quelque chose de plus restreint, de moins total qu'une langue même s'il est quand même communautaire. Lors d'une session de conversation multisynchrone ou encore "chat" (qui se prononce "tchatte" comme en anglais) ce n'est pas une nouvelle langue qui émerge mais seulement un consensus d'abréviations ("mdr" pour "Mort de Rire", "g deco" pour "je me déconnecte"), de mots-clefs, bref d'une certaine façon un "langage de jeunes", ce qui montre que nous ne réservons pas le terme de langage aux communications homme-machine...
La plupart des langages ont un nombre de phrases limité, même si ce nombre peut être très grand pour un être humain alors que le nombre de phrases dans une langue est illimité... Un langage est la plupart du temps précis, presque non-ambigu ce qui ne signifie pas qu'il est lisible.
Comme une langue, un langage a souvent
- un vocabulaire, c'est à dire des mots,
- une syntaxe, soit un ordre des mots pour faire des phrases,
- une sémantique ce qui permet d'attribuer un sens aux mots et aux phrases.
Ainsi dans le langage des fleurs, le vocabulaire se réduit à une liste de fleurs et d'adjectifs de couleur, une phrase se compose d'un ou deux mots (le nom de la fleur éventuellement suivi d'un adjectif) et la sémantique est non-ambigue : chaque couple (fleur,couleur) a une et une seule signification. Par exemple dans ce langage des fleurs, une rose signifie "j'ai du sentiment pour vous", une rose rouge signifie "je vous aime", (voire "je vous désire..."), ce qui est un résumé pour "j'ai du sentiment pour vous et ce sentiment est de l'amour".
Dans la vie "ordinaire" de tous les jours, il y a plein de langages de tous ordres. Ainsi, le langage dans lequel toutes les phrases commencent par 3125 est le langage... de la messagerie de France-Télécom. Dans ce langage, la phrase 3125 6 1 permet d'effacer le premier message et donc cette même phrase 3125 6 1 utiliser à nouveau le premier message qui était donc en fait le deuxième message... De même, le langage des numéros de téléphone d'Angers est un langage sans lettre pour lequel tous les mots commencent par 02 41...
Un autre exemple encore alphanumérique : le langage des anciens numéros des plaques d'immatriculation des voitures (en France). Dans ce langage (très limité) les phrases sont seulement des triplets (numéros,chiffres,numéros de département) dont les éléments sont séparés par des espaces. Ils ont une sémantique liée uniquement au numéro de département, sémantique qui va disparaitre lorsque la France passera à la numérotation européenne.
Voici encore un autre exemple, uniquement visuel : le langage des feux tricolores de circulation dans les carrefours des villes.
Le sens des couleurs est quasi-universel :
signifie : vous pouvez passer, signifie : vous devriez vous arrêter, signifie : vous ne devez pas passer. Avec un peu de réflexion, on voit qu'il y a une quatrième couleur qui est plutôt l'absence de couleur, lorsque le feu est éteint. Dans ce cas-là le sens est donné par le code de la route...
Ce langage peut être étendu : par exemple en Angleterre, lorsque le feu est rouge et juste avant qu'il ne repasse au vert, le vert devient vert et orange, ce qui signifie "préparez-vous à repartir" :
Il faut se rappeler qu'un langage humain est consensuel, plein de conventions : ainsi pour la plupart des "têtes brûlées" le feu orange signifie "il faut que j'accélère pour passer avant le rouge" ce qui n'est pas la signification "normale" et "normative" du feu orange indiquée plus haut. On remarquera d'ailleurs l'usage des divers modes (indicatif pour "vous pouvez passer", conditionnel pour "vous devriez...").
La richesse d'une langue vient souvent de ses contradictions, de ses règles, parfois d'usage... Tiens, par exemple, aviez-vous remarqué que les français ne prononcent pas le "i" de la même façon dans CiA et dans FBi ? Vous qui êtes déjà intellectuel(le), puisqu'à l'Université et donc déjà «un peu intelligent(e)» pensez-vous bien à faire la double négation à l'écrit, sachant qu'à l'oral elle n'est pas obligatoire ? Si vous devez écrire un vieil ami, à l'oral, vous pouvez vous contenter d'un potager (pote agé !).
Utiliser des mots de trois syllabes ou plus fait toujours chic. Ainsi, si cette conférence ne vous plaît pas, ne dites pas qu'elle est chi*nte, mais qualifiez-la d'intrinséquement rébarbative, cela fait tout de suite mieux ! Et si la personne à qui vous le dites ne comprend pas ce que cela signifie, faites-vous offrir l'apéro pour lui expliquer en prétextant que c'est un peu technique...
Suite de l'exposé : les langages en informatique.
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